Molière n'y avait pas pensé... Ce n'était pas de son temps probablement...
Moi, je ne sais  comment faire...pour être vieille...Mes sens ne m'avertissent pas, mon cerveau encore moins. Je fais toujours des rêves de jeune fille, à ma grande honte ou à mon désespoir. Le temps n'a pas eu de prise sur mes désirs, je joue encore et encore le rôle assumé vers mes 20 ans...Je n'arrive pas à étouffer cette pointe d'émotion en attente d'un merveilleux à venir...Pour mon malheur, le temps a filé plus vite, bigrement plus vite que ma compréhension du présent.
Il y a t--il un moyen, une école, des cours accélérés, d'apprendre la vieillesse ? De comprendre, d'accepter, de l'apprivoiser ne  serait-ce que par bribes, par courts moments ? On nous a bien appris à marcher, à grandir, à assumer la vie comme elle vient avec ses pépites de bonheur/malheur.... mais on croyait ferme que cela serait ainsi jusqu'à la fin  des temps.
Et puis vlan, sur le papier l'âge avance, dans les yeux des autres aussi...Miroir mon beau miroir me renvoie une inconnue, pas jolie,jolie à dévisager. .Puis on commence à vous dire Madame, à vous céder la place -bus, métro, salle d'attente... Ah oui, les salles d'attente deviennent des lieux assidûment fréquentées, pour tout et n'importe quoi..
Ma vie sociale a fait un bond spectaculaire, je connais de plus en plus de médecins, d'appareils à vous scruter le dedans et le dehors, les paramètres des exams, enfin, vous me comprenez, sinon,  ayez un peu de patience, cela viendra inéluctablement.
N'empêche, je ne sais pas toujours "faire la vieille". Une autre, ennemie jurée, joue le jeu à ma place, je regarde d'un oeil amusé et furieux en même temps cette personne qui ne me ressemble point. Une grosse dame, marchant avec peine, souffle court et regard hésitant, se croit mon double, mon avenir, ma fin. Et si c'était vrai ? Mon Dieu, comme disait l'autre sur son champ de bataille : courage, fuyons !

Dante avait bigrement raison, une fois entre ouverte la porte de l'enfer, vous êtes cuits. J'ai fait comme tout un chacun : équation douleurs/avis des médecins. Devinez ? Quand on cherche on trouve, et bien ils m'ont trouvée ! Bien plus que ce à quoi je m'attendais. Et maintenant ? Belote et rebelote mes frères... Temps de réécrire mon testament. Attendez, c'est pas pour demain, quoique... mais on n'est jamais mieux servi que par soi-même.
Ce qui est un petit, mais néanmoins indigeste choc. Mon corps et moi on est deux entités différentes. Depuis quelque temps il prend ses aises et fait des siennes, lâche par ci par là, refuse d'obtempérer - et pourtant je ne lui demande pas grand chose, juste de s'arrêter au temps de ma jeunesse. Que nenni. En observant de plus près je crois que les "maladies" vivent leur propre vie. S'amusent, s'entraide l'une l'autre, conquièrent de nouveaux terrains (pardon, organes, cellules, nerfs,etc) et nous ignorent en crachant  au passage sur notre âme meurtrie.
Le jour viendra, il viendra sûrement où leur victoire sera complète.
Et alors ? Salut ! (Quelle ironie, salut vient de salute autrement dit santé !)
Gâteau en bonus !

Sacré Michel Audiard ! Et pourtant il y en a qui ont ce courage. Peine perdu, y a qu'à voir quelques émissions télé ... 
Des super agrégés nous jettent d'une explication à une autre pour nous mettre ko et ...c'est tout. Plus ça bouge moins ça change... Les idées je veux dire. J'ai la stupeur d'un con tombé dans un trou noir. C'est connu, les trous noirs bouffent tout.
Dans un silence assourdissant !

Me voici donc -après un de ces examens qui ont pour but principal de vous injecter un sérieux cafard- rentrée dans le rang des vieux croûtons dont la besace est pleine de bobos en veux-tu en voilà....
Envolés mes rêves de voyages, des rêves d'une vie normale n'en parlons même pas. Gobe-moi ça si tu peux....

Je suis devant la télé mais android S.V.P. ! Je suis partout et à la fois ! Ce n'est pas commode, croyez moi. En même temps je suis du regard un philosophe qui - comme le veut sa profession parait-il - a réfléchi sur tout et tous et je lis en bas de l'écran l'humiliation de la France à l'Union Européenne.  Ne sachant pas à quoi réagir en premier, je fais le seul geste salvateur : j'éteins tout et je me mets à lire Kierkegaard. Ha ! Je vous ai eu ! Je mens sans vergogne, je lis Dickens et vous savez quoi ? Il savait autant que nous sinon plus. L'Histoire balbutie ou alors on est vraiment des cons, rien appris depuis Socrate ?