Comme de l'eau de Rochas ! (toujours le mot pour rire, hein ?!) Tous ces petits, insignifiants discours sur la fatalité des événements à venir... C'est clair, je quitte le monde des malades pour celui des moyennement bien-portants et je constate effarée que - ça y est - à mon tour je suis prise à la gorge par la peur de mourir...Ces pleurnicheries sur les disparitions successives - inévitables hélas ! - masquent de plus en plus mal ma peur à moi qui derrière le rideau de  fumée habituel pointe l'horreur : eh oui, ma chérie, tu vas y passer comme tout le monde à la trappe ! Glisser du "moi existant" aux oubliettes des has been (et encore, pour être un has been il aurait fallu être quelqu'un !) tout doux dans l'indifférence unanime c'est brut de coffret ! Et alors ? Je ne sais plus (j'ai dû lire cela quelque part) si le nombre des vivants sur la planète a dépassé celui des morts depuis la nuit des temps ou l'inverse...Si je m'en fous...

Consciente que chaque minute me rapproche d'une fin...Il y en a plein de fins, très peu sont heureuses... Ce qui me rend perplexe est "la normalité" avec laquelle on arrive à gober l'inacceptable. Sincèrement, si je trouve une utilité à ce monde virtuel injectée à grands coups de technologie c'est justement cela : à force de jouer à saute-mouton d'une réalité à une fiction (d'ailleurs avez-vous remarqué cette merveille de confusion qu'est "le docu-fiction?") on ne sait plus ni où on est ni qui... Et d'autant moins ce que signifient aimer, respirer, manger, vivre quoi ! Etat hypnotique ? Que nenni ! on en revient de l'hypnose...

C'est pas pour me plaindre mais ce virus dont je ne saurai jamais le nom a bien décidé d'avoir notre peau. Voilà deux semaines qu'il crèche à la maison en squattant toutes les parties si infimes soient-t-elles de notre corps...Il a fait des ravages le bougre, je n'ai pas le coeur à la rigolade du tout.
N'empêche, par un tour de passe-passe il a réussit à nous plonger dans l'entre deux mondes... Ni mortes, ni vivantes. Faut avouer que cela change de perspective. Peut-être que ça bloque le cerveau ou alors il le fait baigner dans une soupe d'indifférence ou le fait d"être" ou ne pas "être" ne compte plus. J'ai réalisé tout d'un coup qu'il n'y a que les gens sains qui vivent dans la peur et bonus, sans savoir ce que cela veut dire...Le fil du réel coupé, on se fiche pas mal de tout. Ce n'est ni beau, ni agréable, mais c'est comme ça. Dès qu'on va mieux - si cela arrive, mais cela arrive forcément - on récupère angoisse et chagrins pèle-mêle et on recommence à ramer à cette satané galère. Et on dit que rien ne vaut la santé ! J'en suis de moins en moins sûre....

Victimes innocentes ma mère et moi d'un virus dévastateur que je prie le Bon Dieu de ne pas nous dévaster pour de vrai...On passe une semaine comateuse et decollatrice des réalités. On lutte pour vaincre, en fait à nos âges pour la survie...
Et pourtant, de temps en temps mes oreilles (termes génériques pour tout ce qui nous met mille informations - jamais innocentes, toujours pernicieuses, c'est vrai pour de motifs très différents) perçoivent clairement un signal : trop de fantômes hantent ce petit bourg qu'est devenue notre planète. Sincèrement, ne ressentez-vous pas la même chose ?
on parlera de cela plus tard, je suis trop prise dans les filets de ce maudit virus pour pour voir clair...Mais cela viendra, cela viendra...

Je ne peux pas imaginer que je suscite autant d'intérêt surtout que ma modeste carcasse n'est pas très intéressante ! En ce moment précis j'ai des chagrins beaucoup plus vertigineux que ce qui se passe sur le mappemonde ! Comme Camus entre le monde et ma mère je choisis ma maman. ... Et le choix s'avère plutôt angoissant. .. Le reste est silence comme disait Hamlet.